Son excellence Mgr Celestino Migliore est actuellement nonce apostolique en France
Une première question Monseigneur pour vous connaitre. Vous avez fêté vos 46 ans de prêtrise en juin, comment est née votre vocation ?
Mgr Celestino Migliore : Quand j’étais servant d’autel, il y avait un curé qui avait déjà un certain âge mais qui m'impressionnait beaucoup car il était quelqu’un très présent. 24h sur 24, 7 jours sur 7 pour les gens. On pouvait le solliciter à n'importe quel moment et moi je me disais, j’aurais aimé être comme lui. A cette époque, je ne savais pas qu’est-ce que cela voulait dire être prêtre. Puis je suis rentré au séminaire et au fil du temps j’ai compris qu’est-ce que cela voulait dire être prêtre. C’était quelque chose d'exigeant et en même temps quelque chose d’enthousiaste. Donc voilà, à 25 ans je suis devenu prêtre.
Dans le parcours de votre vocation, l’Église vous a confié la mission d’être nonce. Depuis 2020, vous êtes nonce apostolique en France. Qu’est-ce qu’un nonce ? Quelle est la mission d’un nonce ? Quelle est sa responsabilité sur le territoire français ?
Mgr CM : Un nonce est un représentant du Saint Père vis-à-vis de l’Église locale et du gouvernement. Comme représentant vis-à-vis du gouvernement, il a le rôle d’ambassadeur parce que le Saint Siège, par le Vatican, est reconnu comme membre de la communauté internationale.
Je dois dire que mon travail se fait 80% avec l’Église et le reste, c’est avec le gouvernement, le corps diplomatique, avec la société civile. Avec l’Église, le nonce a surtout la charge de la nomination des évêques. Ce n’est pas le nonce qui nomme, c’est le Saint Père. Mais c’est au nonce de préparer un rapport pour fournir des éléments au Saint Père pour le choix des évêques.
Chaque fois qu’un diocèse est vacant parce que l’évêque part en retraite ou bien pour d’autres raisons, alors on lance une enquête pour bien connaître la situation du diocèse.
J’envoie plus au moins 80 formulaires à des personnes sur le diocèse, sur la province ecclésiastique pour qu’ils nous disent, tout ce qui fonctionne bien et moins bien ou s’il y a des souhaits spéciaux pour le diocèse. Et puis, on demande aussi qu’il nous indique des noms, des candidats pour succéder. Chaque fois, je reçois environ 30 à 45 noms.
Il faut arriver à 3 car le rapport qu’on envoie à Rome, au pape, doit contenir 3 noms en ordre préséance. Il faut dire pourquoi le premier est-il premier ainsi de suite.
Ce rapport est étudié par une commission d’une douzaine de cardinaux évêques, par exemple pour la France, c’est le cardinal Aveline, archevêque de Marseille. Ils se réunissent tous les jeudis matin hebdomadairement pour discuter des différentes nominations. Puis ils prennent une décision et reclassent l’ordre des 3 noms proposés.
Quand est dégagé un certain consensus, le préfet du dicastère des évêques, le samedi matin, va voir le pape et présente la liste. Après cela, le samedi soir, on reçoit un mot en nous disant que le Saint Père a nommé telle personne comme évêque, veuillez lui demander le consentement, et ensuite on entame la procédure.
Vous savez qu’en France, il y a une laïcité et une séparation des Églises et des États inscrite dans la constitution mais malgré cela, c’est le seul pays qui demande de connaître le nom du candidat et d’avoir un certain temps pour faire une enquête.
Alors en quoi consiste cette enquête ? C’est un accord qu’on avait prévu il y a 100 ans, en 1924, lorsque le gouvernement avait accepté que les associations cultuelles de l’Église catholique soient gouvernées par un évêque nommé par le pape. Alors, si c’est l’évêque qui est responsable de cette association cultuelle de l’Église, le gouvernement veut avoir un droit de regard sur la nomination de cette évêque. Et en principe, l’enquête regarde uniquement les raisons politiques. Ainsi, il est regardé s’il respecte les lois du pays, s’il ne cause pas de problème pour la société etc. Et cela prend un certain temps.
Une fois que le gouvernement donne le feu vert, alors on publie la nomination et l’évêque concerné décide la date de son ordination ou installation.
Depuis 2020, vous avez rencontré beaucoup de communautés, évêques et prêtres. Quel regard portez-vous sur l’Eglise catholique en France aujourd’hui ?
Mgr CM : Je dirais, un regard de confiance et espérance. Quand je rencontre le Saint Père à Rome, il aime dire aux individus et groupes français, « vous avez de la chance, vous avez une Eglise en France qui est créative et courageuse ». Alors il y a ceux qui s’étonnent un peu avec tout ce qu’on voit et entend ces temps-ci. C’est peut-être une exagération mais non, c’est vrai. Alors oui, il y a des problèmes, des défis, des scandales, mais l’Eglise en France reste une Église créative. Il y a plein de foisonnement, d’initiative pour garder et promouvoir la foi, la charité. Aujourd’hui on vit, ce passage de la pastorale de l’encadrement à la pastorale de l’engendrement, ou l’engendrement veut dire qu’on est préoccupé à nourrir la foi des gens. Donc, mon regard est un regard tout à fait admiratif et de soutien à cette Eglise.
Vous parlé d’espérance. Nous sommes le Séminaire Notre-Dame de l’Espérance qui a été placé par les évêques fondateurs sous ce vocable. Pour vous, comment la Vierge Maire est-elle un modèle d’espérance pour les séminaristes qui se préparent à un éventuel ministère presbytéral ?
Mgr CM : La Vierge Marie est celle qui a permis la naissance de Jésus. Elle a engendré Jésus homme. C’est surtout cet engendrement, la mission du prêtre. Pour arriver à cela, il faut vraiment vivre comme Marie qui a commencé par dire « que soit faite ta volonté » à l’Ange qui a annoncé l’enfantement. Quand on devient prêtre, on ne devient pas prêtre pour faire de belles choses, de belles liturgies. On devient prêtre pour engendrer Jésus dans la communauté. C’est quelqu’un qui doit faire l’expérience de Jésus, de l’évangile en premier pour pouvoir l’engendrer. Et ce n'est pas un engendrement individuel mais communautaire. Il doit le faire en communauté. Et donc vivre la parole de l’évangile avec la communauté. Avec cela, les gens s’aperçoivent que le curé sait de quoi il parle. Il parle de quelque chose qu’il vit, qu’il touche, qu’il voit. Là, il y a une réaction et adhésion à la foi.
Cette année, la communauté du séminaire chemine avec le thème « Allez porter l’Evangile du Seigneur ». Au-delà des séminaristes, comment, pour vous, les baptisés sont appelés à cette mission d’annoncer l’Evangile, dans notre société où peut-être Dieu est un peu absent, un peu mis à l’écart ?
Mgr CM : Bien sûr que Dieu est toujours plus mis à l’écart par la culture ambiante. Mais le croyant a besoin d’annoncer l’Evangile à sa profession, sa vie en famille, sa vie dans la société car c’est dans ses milieux-là, un peu comme Saint Pierre après la résurrection de Jésus, il a fait son premier discours et dans ce discours il a commencé à parler de ce qu’il avait vu, vécu, touché, entendu avec Jésus. Et là les gens étaient tout de suite étonnés et ils demandèrent à Pierre, qu’est-ce qu’on doit faire pour vivre comme Pierre dit ? Et donc aujourd’hui c’est un peu comme cela. Nos homélies, nos catéchèses doivent parler de quelque chose que nous vivons, nous expérimentons. Le pape François nous dit, que la chair du pauvre c’est la chair du Christ. Quand nous touchons les pauvres, nous touchons le Christ. Alors, bien sûr que l’eucharistie est le sommet de notre vie, mais la rencontre avec le prochain, avec le pauvre c’est autant important pour nous. C’est cela aujourd’hui la manière d’annoncer la parole de Dieu.
Pour conclure notre entretien, une petite ouverture sur l’avenir. Quelle est le modèle ou le critère pour être un bon pasteur demain ?
Mgr CM : On peut être pasteur de mille manières. Mais les critères sont tout d’abord d’être un homme de Dieu, pas de carrière, même pas de service mais un homme de Dieu qui vit son sacerdoce. Et puis, en deuxième point, le pasteur doit être quelqu’un qui a la capacité d’être relationnel. Si on n’a pas la capacité du relationnel, on ne peut pas passer la parole de Dieu, on ne reflète pas Jésus.
Florent Ringeval - Diacre - Diocèse de Nevers
Mgr Celestino Migliore, nonce apostolique en France, avec notre reporter Florent Ringeval