Êtes-vous acédique ?
Non non, pas ascétique. Êtes-vous acédique ? Voilà une question que chacun d'entre nous devrait plus régulièrement se poser.
Qu’est-ce que l’acédie, me direz-vous ? Elle est considérée par le très célèbre Évagre le Pontique, moine ermite égyptien et père de l’Eglise à ses heures perdues, comme « le démon le plus pesant ». S’en débarrasser est long et difficile, bien plus que n’importe quel autre. Dans sa classification des « démons », c’est-à-dire des péchés, il le place au même niveau que la colère, tant il est puissant. Sans rapport aucun avec Mario Ramsamy et un clip des années 80 de bien mauvais goût, l’acédie est le « démon de midi ». Pour Évagre, « il attaque le moine vers la quatrième heure et assiège son âme jusqu’à la huitième heure. D’abord, il fait que le soleil paraît lent à se mouvoir, ou immobile, et que le jour semble avoir cinquante heures. […] En outre, il lui inspire de l’aversion pour le lieu où il est, pour son état de vie même, pour le travail manuel et, de plus, l’idée que la charité a disparu chez les frères, qu’il n’y a personne pour le consoler. »
Les chrétiens modernes que nous sommes sont tout autant assaillis que ce moine, mais d’une manière différente. Nous avons tous fait l’expérience de commencer un livre, et, au bout d’un moment, de s’ennuyer pendant sa lecture. Nous levons le nez, nous bâillons, nous sautons à la fin du paragraphe, nous allons lire les dernières lignes, vérifions le nombre de pages ou contemplons la couverture… En somme, nous ressentons ce sentiment de « spleen religieux » (Cioran), de fatigue épaisse, d’ennui, de manque de goût à la vie. Deux solutions, ou plutôt trois s’offrent alors à nous : soit on tombe dans l’activisme, c’est-à-dire le remplissage du vide par des activités, et nous devenons stériles, soit nous entrons dans la boucle de l’ennui à faire les choses machinalement et sans goût. Mais seule la troisième voie nous fait véritablement sortir de l’acédie : c’est la patience.
Il n’est pas question d’opposer la vie apostolique et la vie religieuse, comme on pourrait parfois l’imaginer. Il n’y a pas d’un côté le monde du travail, et de l’autre le monde religieux. Au contraire, pour Anne Lécu, le côté « boueux » de la vie pastorale, c’est le réel de la vie spirituelle. Elle n’a pas de double vie !
A nous, alors, de méditer la figure du Christ qui, à quelques heures de son agonie, choisit de laver les pieds de ses disciples, comme une action de grâce pour le cadeau que ces amis sont pour lui. « Priez sans cesse », nous dit Saint Paul, car l’action est prière lorsqu’elle est un désir incessant d’aimer.
Antoine-Marie BESNARD - 2e année - Diocèse de Moulins