Les défis de l’interculturalité

Conférence donnée par M. Pierre DIARRA

Le 13 décembre 2021, dans un séminaire interculturel, s’est tenu une conférence sur l’interculturalité. Quoi de plus normal et bien avenu que d’apprendre à des hommes venus de tous les horizons de la pensée, comment « avoir le sens des autres », selon le mot de Marc Augé, ethnologue !

Longtemps, bien avant que (proposition : l’alliance entre le monde catholique et républicain actuel) la matrice catho-républicaine de la France ne soit disloquée, des philosophes personnalistes comme Emmanuel Mounier, Emmanuel Levinas ou Martin Buber ont senti l’urgence de penser la relation « je » et « tu ». Quelques décennies plus tard, l’on assiste, à l’échelle mondiale, à un basculement, de la pluri-culturalité à l’interculturalité. Entre les rencontres interculturelles de 1930, les périodes indépendantistes en Afrique et partout ailleurs avec l’arrivée d’étudiants à Paris, le Concile Vatican II (1962-1965) et l’ouverture de l’Eglise au monde, les événements du Musée du Quai Branly en 2006, ajouté aux mouvements migratoires, la France est à son summum d’« archipelisation ». Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely nous en donnent écho. La France qui est sous nos yeux est plus que jamais interculturelle.

Vivre les différences et les appartenances de manière positive

Autrui est à la fois semblable et différent. C’est justement cette différence qui donne à l’alter ego, sa propre identité. Elle ne doit donc pas effrayer sinon être perçue comme une richesse. Antoine de Saint-Exupéry l’a si tôt compris : « Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente. Tu m’interroges comme l’on interroge le voyageur » (Cf. « Chapitre VI, p.40 » Lettre à un otage, 1943). L’autre est porteur d’une nouvelle qui me dépasse et qui me conduit à m’interroger sur ma propre identité, sur ma vision de la vie et des choses. Au séminaire Notre Dame de l’Espérance, cette assertion se passe de commentaire. Cette conférence de Monsieur Pierre Diarra nous aura confortés dans le pari déjà gagné d’aller « au pays de l’autre » comme nous le demande Maurice Pivot, et ce, dans l’appropriation de deux essentiels : le dialogue et l’hospitalité.

« Hors du dialogue point de salut » (Maurice Pivot)

La mondialisation et la globalisation ont fait s’accentuer l’urgence du dialogue, à la plus belle et puissante acception du mot. Ainsi, le dialogue suppose une relation à double sens, une réciprocité où chacun donne et reçoit, une sortie de soi et une réciproque transformation. A l’ère du pluralisme religieux ou du polycentrisme culturel, les trois maîtres mots du Cardinal Jean-Louis Tauran sont à considérer à nouveaux frais. Il s’agit pour un dialogue fructueux d’avoir à cœur le respect de l’identité de chacun, de l’altérité et de la liberté d’être soi.

En outre, notons que le dialogue est gage de salut, comme nous le démontre le Père Maurice Pivot. L'Évangile nous offre de quoi partir de Babel à la Pentecôte pour que toutes nos différenciations deviennent le tremplin d’un nombrilisme à l’ouverture à l’autre.

Que conclure ?

La session sur l’interculturalité nous aura conduit à revisiter cinq notions : découvrir, connaître, comprendre, rencontrer, s’intégrer. Il est important de découvrir d’un regard neuf, l’autre avec tout ce dont il est porteur ; de le connaître au sens biblique du terme : un savoir d’expérience ; d’essayer, au travers du dialogue, de le comprendre, sans a priori. Cet état de fait sous-entend une rencontre de personne à personne, dans un vis-à-vis. Le but est de s’intégrer, de s’inculturer sans s’assimiler.

Le risque est grand, pour notre communauté, de vouloir que l’autre entre dans les catégories de notre entendement, oubliant que les mots ont une limite. L’autre risque est aussi de vouloir juger les us et coutumes d’autrui sur la base de ses « sous-produits » au lieu de ses « sommets ». L’autre risque mais pas le moindre, est de vouloir rester dans son confort, dans les cadres habituels d’une forme de pensée.

La session nous permet de couper le cordon ombilical de tout ce qui nous recroqueville sur nous-mêmes, de tous les rites et pratiques qui n’ont aucune prise humaine sur le frère. Réussirais-je ce pari ?

Richard AKAME - 4ème année